L’exemple de Hewlett-Packard, qui a toujours eu une politique de responsabilité sociale, est parlant. Cette entreprise conjugue la capacité de gérer la profitabilité de la société avec sa contribution sociale. C’est le secret à long terme. La fonction de la responsabilité sociale est aussi de créer de la valeur ajoutée sociale, d’où une évolution vers une fonction morale. Pourquoi plus d’équilibre ? Un changement de comportement a été observé il y a 20-30 ans chez les actionnaires qui voulaient avoir accès à une plus grande partie de la valeur des entreprises (actions) et non plus de la profitabilité (dividendes). Or, calculer la valeur réelle d’une entreprise est une opération périlleuse. Pour augmenter la valeur de l’entreprise, il fallait aussi prendre en considération ses dépenses, dont la plus conséquente : la capital humain. Les personnes considérées comme des coûts et non comme du capital. Voilà une cause du bouleversement de l’équilibre. Or, les personnes doivent bien plutôt être perçues comme des richesses et non des coûts. Pourquoi dès lors ce retour vers la valeur sociale ? Il y a 25 ans, le Japon, les USA et l’Europe faisaient partie des trois régions les plus ouvertes à l’économie de marché. Aujourd’hui, ce sont quasiment tous les pays qui se sont ralliés à ce type de système. L’économie mondiale a été multipliée par dix et la stratégie de croissance a pris le pas sur la stratégie de productivité. Avec 6,3 milliards de consommateurs, les entreprises doivent devenir attractives. Le problème posé par le Professeur Garelli émane d’un constat : l’entreprise est la seule organisation capable de produire de la valeur ajoutée économique, ce qui n’est plus le cas pour la création de valeur ajoutée sociale. De ce fait, les entreprises doivent devenir des employeurs de choix et s’adapter à la nouvelle génération de travailleurs. Après 60 ans de croissance, cette nouvelle génération veut désormais se choisir un travail pour bénéficier d’une qualité de vie et réaliser des objectifs personnels. A ce titre, la responsabilité sociale devient aussi importante que la productivité. La question du leadership est primordiale : la société a besoin de bon leaders, capables de décider et faire preuve de justice. La responsabilité sociale impose de maintenir un haut niveau d’ambition, au niveau de l’entreprise et des gens qui la composent. Pour Robert Kennedy, « il y a deux types de personnes : celles qui voient les choses comme elles sont et disent : pourquoi ? Et celles qui voient les choses telles qu’elles pourraient être et disent : pourquoi pas ? » Nous avons besoin d’ambition pour réussir et devons toujours se poser cette question : pourquoi pas ?
Le défi qui se pose à la Migros : comment concilier responsabilité sociale et prestations avantageuses ? Pour M. Bürki, c’est l’intérêt général qui prime, en opposition à la loi du profit. L’histoire de la Migros illustre cette évolution : fondée en 1925 comme société anonyme, la Migros, jusqu’en 1940, était une entreprise commerciale orientée vers le profit. En devenant une coopérative, elle a été « offerte » à la population, prenant par la même un nouveau statut social. Parmi les thèses établies par le fondateur de Migros, Gottlieb Duttweiler, la thèse no 10 (1950) met en avant un concept novateur basé sur l’intérêt général, placé même plus haut que l’intérêt des coopératives Migros. Il s’applique aussi bien aux employés, aux clients, à l’environnement qu’aux fournisseurs. Nombre d’actions entreprises par la Migros tendent à concrétiser sa responsabilité sociale comme c’est le cas avec le «pourcent culturel», l’absence d’alcool et de tabac dans les rayons, le pouvoir décisionnel des millions de coopérateurs Migros ainsi qu’à travers l’assortiment des produits biologiques, écologiques, labellisés, etc. M. Bürki justifie des choix stratégiques pris par la Migros par le fait que les contraintes et les pressions externes augmentent proportionnellement à la volonté de l’entreprise d’assumer sa responsabilité sociale. La patron reste le client. Est-il prêt à payer 25% de plus pour un produit identique ? Le débat est relancé.
Former des apprentis, c’est déjà une responsabilité sociale de l’entreprise. La formation pour tous est primordiale pour l’avenir de notre société. La salon de coiffure de M. Ventura a engagé une jeune fille de 16 ans atteinte de surdité, Mlle Nadia Pereira, pour un stage. Un enthousiasme général a rapidement pris le pas sur les craintes d’une expérience nouvelle. La jeune stagiaire a ainsi pu faire un apprentissage complet de 3 ans et obtenir son CFC en 2005. La responsabilité sociale a été, dans ce cas précis, un élément moteur. De plus, une telle expérience a eu un impact positif sur la motivation générale de l’ensemble des collaborateurs du salon. Mlle Pereira, malgré ses compétences indéniables et la possibilité de bénéficier d’une aide financière de l’AI n’a malheureusement toujours pas trouvé un emploi. L’handicap reste toujours une barrière pour certains. Question de mentalités ? M. Ventura ne ménage pas ses efforts pour lui trouver un emploi et assume pleinement sa responsabilité. Un cas qui a valeur d’exemple. « La différence entre la théorie et la pratique, c’est la pratique », Pascal Ventura
Les objectifs d’une entreprise sont d’être rentable, de créer du travail et des richesses, et ce, avec les risques inhérents à une forme de capitalisme engagé. Des changements importants ont cependant apporté leur lot d’interrogations et de remises en question. L’évolution démographique et l’allongement de la vie sont des composantes fondamentales des préoccupations sociales et économiques actuelles. M. de Closets met en exergue l’exemple de la France pour illustrer les incidences d’une telle évolution. Dans ce pays, la retraite à 60 ans, obtenue en 1983, a été une véritable victoire sociale, avec tous les effets secondaires que l’on peut imaginer sur ceux qui doivent désormais « entretenir » leurs aînés 5 années supplémentaires. L’abaissement de l’âge de la retraite suscite pourtant d’autres remous : dans certaines professions, beaucoup de personnes sont encore aptes à travailler entre 60 et 65 ans. Il y a lieu de reconsidérer la durée de la vie active car selon M. de Closets, notre société actuelle a pris la direction d’une régression sociale. Travailler plus longtemps, une autre manière de voir l’évolution des travailleurs. L’âge de la retraite doit être fonction de la pénibilité du travail. Des alternatives professionnelles doivent être encouragées comme la requalification ou le temps partiel. Les entreprises ont pour rôle de réinventer tout cela, malgré la logique nouvelle du capitalisme. Tous les emplois sont concernés, y compris ceux nécessitant peu de qualifications, peu passionnants et ne correspondant pas forcément aux vocations des gens. La valorisation de tels emplois, et la perspective de pouvoir évoluer dans sa profession, peuvent insuffler un regain d’intérêt pour les personnes en quête d’un nouvel emploi. En conclusion, l’essayiste français montre la contradiction qu’il y a entre un capitalisme mondialisé et les conditions de la vie en général. Les entreprises ont pour mission d’anticiper la prochaine révolution, en modifiant le statut du travailleur. Dans les sociétés d’avant-garde, l’employé adhère pleinement à l’esprit et à la culture de l’entreprise. Un pas vers le retour à l’équilibre.